Guillaume Apollinaire — Train militaire

Nous marchons nous marchons d’un immobile pas Nous buvons au bidon à la fin du repas Le dernier arbre en fleurs qu’avant Dijon nous vîmes (Car c’est fini les fleurs des environs de Nîmes) Était tout rose ainsi que tes seins virginaux Ma vie est démodée ainsi que les journaux D’hier et nous aimons ô femmes vos images Sommes dans nos wagons comme oiseaux en cages Te souvient-il encor du brouillard de Sospel Une fillette avait ton vice originel Et notre nuit de Vence avant d’aller à Grasse Et l’hôtel de Menton Tout passe lasse et casse Et quand tu seras vieille ô ma jeune beauté Lorsque l’hiver viendra après ton bel été Lorsque mon nom sera répandu sur la terre En entendant nommer Guillaume Apollinaire Tu diras Il m’aimait et t’enorgueilliras Allons ouvre ton cœur Tu m’as ouvert tes bras * Les souvenirs ce sont des jardins sans limite Où le crapaud module un tendre cri d’azur La biche du silence éperdu passe vite Un rossignol meurtri par l’amour chante sur Le rosier de ton corps où j’ai cueilli des roses Nos cœurs pendent ensemble au même grenadier Dont les fleurs de grenade entre nos cœurs écloses En tombant une à une ont jonché le sentier * Les arbres courent fort les arbres courent courent Et l’horizon vient à la rencontre du train Et les poteaux télégraphiques s’énamourent Ils bandent comme un cerf vers le beau ciel serein Ainsi beau ciel aimé chère Lou que j’adore Je te désire encore ô paradis perdu Tous nos profonds baisers je me les remémore Il fait un vent tout doux comme un baiser mordu Après des souvenirs des souvenirs encore


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