mile Nelligan — Le Jardin d’antan

Rien n’est plus doux aussi que de s’en revenir    Comme après de longs ans d’absence,       Que de s’en revenir    Par le chemin du souvenir    Fleuri de lys d’innocence,       Au jardin de l’Enfance. Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet    D’où s’enfuirent les gaietés franches,       Notre jardin muet    Et la danse du menuet       Qu’autrefois menaient sous branches       Nos sœurs en robes blanches. Aux soirs d’Avrils anciens, jetant des cris joyeux    Entremêlés de ritournelles,            Avec des lieds joyeux       Elles passaient, la gloire aux yeux,       Sous le frisson des tonnelles,            Comme en les villanelles. Cependant que venaient, du fond de la villa,    Des accords de guitare ancienne,            De la vieille villa,       Et qui faisaient deviner là       Près d’une obscure persienne,            Quelque musicienne. Mais rien n’est plus amer que de penser aussi    À tant de choses ruinées !            Ah ! de penser aussi,       Lorsque nous revenons ainsi       Par des sentes de fleurs fanées,            À nos jeunes années. Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,    Froissés, maltraités et sans armes,            Moroses et vieillis,       Et que, surnageant aux oublis,       S’éternise avec ses charmes            Notre jeunesse en larmes !


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